L’halterophilie souffre parfois, à tord, de nombreux préjugés dont celui d’être un sport néfaste pour le dos. Mais ce cliché se vérifie-t-il dans les faits ? L’haltérophilie ne serait-elle finalement pas une alliée de poids dans votre santé posturale ?
Pour mieux comprendre : voici les causes les plus fréquentes de blessures observés sur les mouvements haltérophiles et surtout leurs causes.
1) Musculature dorsale et lombaire insuffisante.
Chez les adolescents et plus généralement les débutants en CrossFit comme en Haltérophilie, cet état de fait entraîne des douleurs diffuses qui disparaissent généralement assez vite avec la mise en place d’exercices de renforcement.
2) Antépulsion de l’épaule limitée, soit un défaut de mobilité dans les mouvements « overhead »
Elle entraîne des compensations lombaires en extension et un surmenage des articulations concernées. Les exercices de traction à la barre, en particulier lorsqu’ils sont effectués avec un étirement incomplet, entraînent à force une limitation de l’amplitude articulaire en extension de l’épaule ; d’où l’importance des étirements et du soin apporté aux extensions complètes sur ces mouvements (pull-ups, muscle-ups, toes-to-bar, etc.)
3) Extension de la hanche limitée.
En l’absence de sollicitation des muscles en étirement, lors des extensions de hanche, le manque de mobilité du membre inférieur vient très tôt faire basculer le bassin en antéversion (= vers l’arrière), ce mouvement plaçant alors la colonne lombaire en extension. Un quadriceps rétracté peut par exemple bloquer le bassin en antéversion avec pour conséquence une accentuation permanente de la lordose lombaire, ce qui équivaut à une cambrure dorsale excessive.
4) Défauts de placements et de maintien lors des tirages.
Soulever des objets lourds dos rond et jambes tendues augmente considérablement les contraintes exercées sur les disques intervertébraux qui se trouvent du fait de leur position en situation de « pincement » antérieur et de « bâillement » postérieur, ce qui amène une détérioration rapide de leur structure, à l’origine notamment des hernies discales.
On notera également qu’utiliser incorrectement un rameur, ou plus simplement effectuer un deadlift (dos rond dans les deux cas) revient à réaliser un effort incorrect de tirage semblable à ceux en haltérophilie.
Le besoin de placer correctement son dos peut également se manifester au cours de nombreuses situations parfois banales de la vie courante : porter les sacs de courses ou un pack d’eau, ramasser un panier de linge, etc.
5) Contraintes du travail et au cours de la vie quotidienne.
Les vibrations associées au relâchement musculaire en voiture, le mode de vie urbain et la sédentarité, les heures passées au bureau ou devant des écrans entraînent souvent des surmenages locaux favorisés par l’apparition de mauvaises postures (dos voûté). Des tensions musculaires douloureuses apparaissent dans les muscles subissant un étirement permanent du à l’accentuation de la cyphose dorsale (haut du dos arrondi). Ces Désordres Intervertébraux Mineurs, aussi appelés « DIM » (Docteur A. RENAULT) sont généralement même visibles à l’oeil nu.
Alors, quels bienfaits l’haltérophilie peut-elle avoir sur notre dos ?
- L’haltérophilie sollicite et renforce particulièrement l’ensemble des extenseurs du dos dès l’initiation où l’essentiel du travail est axé sur la technique et l’apprentissage de la verticalité ; un apprentissage qui doit se faire avec des charges légères, et ce même si l’athlète présente déjà des qualités physique comme la Force. Le début du tirage sollicite les muscles lombaires (« 1er tirage »), la fin de l’action de bras davantage les muscles dorsaux (« 2ème tirage »). Dans tous les cas, les postures sécuritaires bien maitrisées placent le dos en extension comme par exemple dans l’exécution d’un back ou d’un front squat.
- Le snatch exige une ouverture importante de l’épaule avec des contraintes articulaires réduites du fait de l‘écartement des bras. Il contribue à entretenir et développer la souplesse de l’épaule et contribue à redresser la colonne dorsale.
- Les fentes lors du jeté favorisent l’ouverture postérieure de la hanche de la jambe arrière. Il est intéressant de faire des fentes alternées lors des phases de préparation physique pour que le gain de souplesse soit équivalent pour les deux jambes ainsi que pour conserver un certain équilibre musculaire.
- La pratique de l’haltérophilie est directement liée à une technique correcte notamment pour ce qui est du placement et de l’effort initial de soulever. Aucune pratique ne doit être rendue possible ni admise hors de ce contexte. Par ailleurs, les automatismes acquis incitent à passer sous la charge en rapprochant au maximum le centre de gravité de la barre et celui de l’athlète qui soulève, ce qui réduit au maximum les contraintes.
- La poussée finale lors du jeté s’effectue en position verticale, ce qui a pour effet de redresser la colonne dorsale dans sa partie haute en s’opposant à la cyphose (l’arrondi du haut du dos) par la tonification des extenseurs et des muscles qui rapprochent les omoplates de la colonne vertébrale.
- La sollicitation des capacités d’équilibrage du corps développe des automatismes de placement rapide du dos en cas de besoin.
Et sur le plan physiologique, quels atouts apporte l’haltérophilie?
- Pas de pratique sans placement du dos
- La vitesse modérée du mouvement est respectueuse des articulations (Pas d’accélérations importantes à cause de la charge, le système nerveux est sollicité au maximum, mais il n’y a pas de sollicitation rapide et brutale des articulations)
- La charge sur les articulations favorise la croissance des cartilages (loi de Sharpey)
- Les contraintes sur les os contribuent à les restructurer dans le sens d’un accroissement de leur résistance interne, ce qui contribue au « bien vieillir » en luttant notamment contre l’ostéoporose
- Renforcement de la fonction de fixation des muscles du dos;
- La fatigue amène rapidement à l’échec et prévient le surmenage pour qui sait écouter son corps
L’haltérophilie n’est donc pas plus dangereuse que d’autres gestes du CrossFit, mais à conditions d’être bien pratiquée et bien encadrée. Pour de nombreux athlètes CF, l’augmentation de la Force notamment sur les squats et tirages, est à l’origine de montées en charge et en volume à des charges de travail élevées sur un organisme trop peu habitué à ce type d’efforts et pour des individus mal préparés techniquement.
Les PRs tombent régulièrement mais ne sont pourtant pas toujours en adéquation avec une amélioration de la technique d’exécution, ce qui abouti à terme à des blessures dues dans leur immense majorité à des défauts techniques et une pratique peu sécuritaire.
L’haltérophilie, comme les mouvements empreintés à son répertoire que l’on retrouve dans le CrossFit, est une pratique dite de « techniciens »; alors pensez à vos placements, à la bonne exécution gestuelle et surtout, maîtrisez l’ensemble des basiques avant de charger.
Pour aller plus loin
Plusieurs études scientifiques étudiant les blessures dans différentes disciplines sportives permettent de classer l’haltérophilie comme une pratique peu pourvoyeuse de blessures. Une étude publiée en 1999 par une équipe de chercheurs américains, réalisée sur des haltérophiles américains de haut niveau (suivi de 6 ans) révèle un taux de blessure de 3,3 blessures / 1000 heures d’entraînement. A noter que l’étude a également pris en compte les temps de compétition. Le temps d’arrêt d’entraînement après les blessures constatées était le plus fréquemment (pour 90,6% des blessures) inférieur à 1 jour.
A titre de comparaison, une discipline comme le ski présente des taux s’élevant à 167 blessures/1000 courses. Pour le football, les taux vont de 2,5 à 5,6 blessures/1000 heures d’entraînement, mais rien que pour les blessures localisées sur les ischio jambiers occasionnent des absences à l’entraînement allant au delà d’1 mois. Selon les études et panels pour le football, des taux allant jusqu’à 25,6 /1000h ont été relatés dans la littérature scientifique.